VLADIMIR KOTLIAROV dit TOLSTY
Vladimir est né à Moscou (URSS) le 20 avril 1937, d’un père médecin et d’une mère professeur de littérature et de russe. Après une enfance studieuse (il entre à l’école à 7 ans), il finit ses études en 1954, époque Stalinienne. Déjà, il veut entrer à l’institut théâtral de Moscou, mais s’oppose à un refus parental. De gré ou de force, plutôt de force, Vladimir entre à l’école de marine de Saint-Pétersbourg, dans cette école, où la vie en commun est lourde, où les dortoirs sont de 250 personnes, le caractère individualiste et libre de Vladimir ne peut se soumettre. Il ne lui reste que la fuite, sans doute la première dissidence, et après un long périple, il entreprend un B.T.S. d’électricien.
En 1957, sous le gouvernement de Khroutchov, vient le temps du service militaire. Son armée Vladimir la fera en tant que sous-officier dans l’aviation militaire, il se trouve sur le premier avion transportant la bombe atomique, lui, l’homme épris de liberté.
De retour de l’armée il passe un diplôme d’ingénieur, et travaille pour l’industrie, mais cela ne lui convient vraiment pas. Il refait ses valises et part, cette fois comme simple ouvrier, dans le nord de la Sibérie, creuser la terre de la Toundra avec les géologues.
L’art est toujours présent, de manière obsessionnelle, Tolsty rentre à Moscou, et de 1967 à 1973, il suit ses études et obtient son diplôme d’historien d’art à l’université de Moscou. Il y rencontre aussi une jeune étudiante Oudmourte, Liudmila Savelieva avec laquelle il se marie en 1971. Suivra la naissance de leur petite fille, Daria en 1972.
De 1970 à 1978, il exerce en tant qu’artiste peintre, restaurateur d’icônes et de mobilier ancien pour les musées nationaux. Durant cette époque Tolsty crée toujours et a de nombreux problèmes avec l’État. Il est convoqué plusieurs fois par le K.G.B., qui l’accuse de faire de la propagande bourgeoise au travers de ses œuvres. Ses textes et ses manifestes ne plaisent pas au pouvoir en place de l’époque. Afin de faire rentrer Tolsty dans le droit chemin les autorités lui offrent en 1975, quelques mois dans la prison psychiatrique de Moscou. Là, son psychiatre lui disait qu’il devait être « comme tout le monde ». Mais Tolsty ne peut être « comme tout le monde », c’est le drame de sa vie en Russie. Il refuse de rentrer dans le « moule », veut pouvoir penser et dire ce qu’il pense. Il veut pouvoir crier que la société est « dégueulasse », qu’elle veut humilier les hommes. Il fait la guerre depuis toujours pour la dignité des hommes, « nous sommes des hommes, nous sommes à côté de dieu ».
Donc, il lui faut partir, mais il est très difficile de quitter la Russie, même avec une autorisation. Cela coûte très cher; de plus, l’État lui réclame le remboursement des études, du logement,… Sa décision est prise et pour cela il trouvera l’argent nécessaire… Tolsty demande un poste comme restaurateur d’art sur l’île Sakhaline (Territoire se trouvant à côté du Japon). Sur place, le parti communiste lui passe un contrat pour la restauration d’un gigantesque monument de Lénine, dans la ville de Alexandrovsk-Sakhalinsky. Pour Tolsty le résultat de ce travail sera la possibilité de partir, et donc bientôt la liberté. Mais en Russie rien n’est si simple, et le parti refuse de le payer. Tolsty entame un procès officiel contre le parti. Ce procès est le seul de toute l’histoire de la dissidence russe. Bien sûr le parti ne peut le laisser gagner officiellement, mais il paye quand même. Tolsty avait conservé précieusement toutes les pièces de ce procès unique.
Nous sommes en 1979, Tolsty organise son départ de Russie. Liudmila et Daria ne peuvent pas le suivre, il lui faut même organiser un divorce pour pouvoir émigrer, avec le secret et précieux espoir que sa famille puisse le rejoindre plus tard. Destination : la France, pays des droits de l’Homme et de la Liberté. Après quelques mois en Autriche (de mars à août), Tolsty arrive enfin en France le 30 août 1979.
Tolsty : ses 1ères années à Paris
Tolsty à 15 ans
Tolsty et Liudmila à leur 1ère interview à la radio libre à Paris
1980. Seul à Paris
Emission TAXIImmigration russe : TOLSTY, artiste russe, raconte avec humour, son arrivée à Paris. Interview de TOLSTY.
Liudmila et Daria le rejoindront en mars 1981, et l’O.F.P.R.A. pourra réhabiliter officiellement leur mariage. En France la carrière de Tolsty, artiste peintre, sera rapidement reconnue. Il commence comme restaurateur d’art mais de merveilleuses rencontres, avec diverses personnalités artistiques, tel son ami Julien Blaine, lui permettent de participer à une exposition collective dès octobre 1979, à Paris.
Premiers vivristes
En 1981, Tolsty fonde le mouvement artistique « Vivrisme ». Le Vivrisme c’est une partie de la vie ordinaire, de « tous les jours », qui entre dans l’art. La nécessité première de l’artiste est la communication avec le monde, l’artiste doit communiquer par tous les moyens, toutes les méthodes, peu importe le vecteur, seule la création artistique fait du créateur un artiste et non pas un bon ouvrier. Le Vivrisme est la méthode de naissance des œuvres d’art. L’idée principale du Vivrisme c’était pour Tolsty de considérer chaque instant de sa vie comme acte d’Art.
Depuis 1982, Tolsty a commencé une carrière d’acteur, son nom se trouve sur une quarantaine de génériques du petit ou grand écran. Pour n’en citer que quelques uns, il faut mentionner : Le Brasier, d’Eric Barbier, et son boxeur polonais. La Reine Margot, de Patrice Chéreau, et son bourreau humaniste. Un indien dans la ville, de Hervé Palud, et son coupeur de doigts dont tous les enfants se souviennent.
En 1982, création et édition de son premier catalogue à Paris.
En 1984, pour la première fois au monde dans l’histoire du « Mail-Art », une exposition est exclusivement consacrée à un artiste, Tolsty expose à la galerie Basmadjian à Paris, un catalogue est édité sur cette exposition.
Simultanément, Tolsty édite avec Liudmila un almanach littéraire « Muleta » et un journal « Vetcherniy Zvon ».
En 1989, une nouvelle exposition personnelle sur son « Mail-Art » et sur la « Visuance » (Séance visuelle artistique), à la galerie Donguy.
Tolsty invente le concept du « Money-Art ». Il transforme de simple pièces, de nombreux billets, anciens ou récents, rare ou communs en œuvres d’art uniques, et immortelles.
« L’argent pervertit l’humanité, fait des hommes des criminels, des martyrs ou des damnés. La poésie et l’art adoucissent l’âme et rapprochent les hommes de dieu ! Vous les poètes guerriers, aidez vos prochains, transformez l’argent en œuvres d’art ! »
TOLSTY (Traduction : A. TCHERNYCHEV et J.-Y. VERDU)
Ce poème définit le « Money-Art » « Tolstien ».
En 1990, Tolsty fonde le mouvement poétique « Post Poésie ». Durant toutes ces années de travail au service de l’art, Tolsty a participé à des expositions dans divers pays, France, Italie, Allemagne, Autriche, Russie, Etats-Unis, Japon. Tolsty, artiste en révolte permanente, artiste polyvalent par excellence, artiste en perpétuelle recherche, dit de l’art : « L’art immortel, c’est quand une œuvre ou un style s’oppose à l’agression de cette médiocrité omniprésente, qui se permet d’organiser la vie des hommes. L’art immortel éveille un intérêt éternel, ainsi qu’un sain étonnement ».
Tolsty nous fait découvrir à travers ses œuvres, « l’artistisme de l’âme ».
L’artiste doit pouvoir, avec n’importe quel technique, méthode, mots ou mouvements, donner les images de son âme. C’est le mode de conversation de l’artiste, l’âme est le centre de production, le geste est le résultat des mouvements de lâme.
Le 23 février 2013, Tolsty, alors âgé de 75 ans, nous quittait. Il décède des suites d’une longue maladie.
Laurence Réthoré (Biographie écrite à l’occasion de l’exposition perso à Tôtes en 2000).